YVAN – 10 mois en enfer – Du nom de code au matricule (2001)

Yvan HOMEL

Pourquoi lire ce livre ?

En période troublée, il semble nécessaire d’entendre la parole de ceux qui ont vécu et survécu (parfois) à la barbarie humaine car quelles que soient les époques et les lieux la cruauté comme la souffrance demeurent universels.
Surtout, se rappeler qu’à ces moments précis chacun devra rendre des comptes sur ses choix devant l’Humanité…

Résumé :

Avant-propos :

Pour la première fois depuis bien longtemps je me suis soumise à une pression affective de taille !
Non seulement parce que ce récit me ramène à mes lectures d’adolescente ainsi qu’à une époque historique dont je me sens étrangement proche mais aussi parce que l’auteur est le grand-oncle d’une amie.
Alors j’ai peur, je vous l’avoue, de ne pas être à la hauteur de cet homme qui, à l’aube de ses 20 ans, paya en larmes et en sang son engagement pour la liberté de son pays.
Si mon article ne vous donne pas envie de lire ce livre, s’il vous plaît, ne rendez pas Yvan HOMEL responsable de ce qui serait de mon seul fait…

Mon avis :


À l’instar de bon nombre de résistants survivants aux camps de la mort Yvan HOMEL livre son témoignage très tardivement tant le besoin vital de reprendre le cours de sa vie, de mettre ces horreurs derrière lui, a pris le pas sur ce qui pourtant l’a maintenu en vie : il faudra raconter pour éviter que cela se répète et faire en sorte que chaque victime ne soit pas morte en vain…

Nous touchons là un paradoxe inhérent à toute situation traumatisante – notamment lorsqu’elle est collective – : comment retrouver une vie normale si l’on doit revivre ce qui nous a traumatisé ? Les sociétés humaines veulent-elles vraiment affronter ces réalités particulières alors qu’elles sont elle-mêmes en train de panser leurs blessures ?
Dans ces moments-là les peuples ne souhaitent qu’une chose : reconstruire, avancer et oublier.
Ainsi, Winston Churchill perdit les élections de juillet 1945 au Royaume-Uni tandis qu’en France Charles de Gaulle opta pour une réconciliation nationale tendant à faire croire que la majorité des Français avait résisté d’une façon ou d’une autre à l’occupant, décision qui par ailleurs fut une aubaine pour certains !
Bien sûr il y eut des procès retentissants et des condamnations, la justice passa comme il se doit ( le contraire eût vraisemblablement mené à une guerre civile ) pour autant l’objectif du chef de l’État fut habilement atteint…

D’où l’importance autant historique qu’humaine de ce récit.

Je m’attacherai principalement à l’aspect humain car à mon sens c’est celui qui nous interroge le plus.

Qu’est-ce qui fait que Yvan HOMEL a choisi la Résistance et non la Collaboration ?

Le patriotisme ? Chacun était patriote, la différence résidait plus dans le choix de société que dans l’amour ou la haine de la France !
Un père, un oncle, un frère ancien combattant de la première guerre mondiale ? C’était le cas de chaque famille avec son lot de morts et de ‘gueules cassées‘ !

Pour ma part, si j’en crois toutes mes lectures, c’est surtout une volonté farouche de liberté comme d’indépendance. Question de principe : ce qui explique aussi la diversité des mouvements de Résistance, car si la plupart d’entre eux luttaient contre le Nazisme, certains partageaient en partie la vision politique de l’Allemagne sans pour autant accepter qu’elle leur soit imposée par la force !

Et, si difficile que ce soit, imaginons un instant la vie quotidienne : rester des heures durant dans des files d’attente devant chaque commerce avec ses tickets de rationnement pour finir quelquefois par rentrer chez soi les mains et le ventre vides car le panneau ‘plus de viande’ ou ‘plus de pain’ a été posé avant que son tour arrive, idem pour se chauffer… Se déplacer à son aise sans couvre-feu au risque de se faire tuer, garder envers et contre tout son esprit critique malgré les informations (propagande !) diffusées sans relâche, être certain que l’on peut exprimer son opinion sans crainte de dénonciation… 
Assister à des arrestations de familles entières, d’innocents dont on n’a plus de nouvelles et enfin pour les jeunes gens être obligé d’aller travailler hors de son pays (le fameux S.T.O.)…

À quinze ans j’étais persuadée que j’aurais moi aussi intégré un réseau, à soixante ans j’espère seulement que j’aurais eu ce courage…

À l’heure actuelle, face à l’inacceptable, décider de son destin est-il si évident ? Notre monde est-il encore capable de produire des citoyens pour qui la question ne se poserait même pas ?

Il y a surtout dans cet homme un trait de caractère qui m’a profondément émue : il explique ce qu’il a vécu en l’édulcorant quelque peu, cependant il n’oublie aucune des personnes, parfois seulement croisées dans cette tragique tranche de vie, auxquelles il rend un vibrant hommage en écrivant leur nom en lettres capitales. Ce qui était la norme à une certaine époque ne l’était déjà plus au moment où il se souvient. Cette pratique peut surprendre à la lecture donnant parfois l’impression d’être devant un Monument Aux Morts ; pour moi c’est l’élégance des honnêtes gens de manifester aussi humblement leur respect. Une politesse rare de nos jours il me semble.

Enfin, la passionnée d’Histoire que je suis ignorait totalement le statut particulier du département des Vosges pendant l’occupation… Heureusement : je ne suis pas enseignante !

Je finirai par vous dire que l’amie qui m’a offert ce récit n’a aucun souvenir traumatisant de cet homme très proche des siens qui continua de sillonner les routes et chemins de ses chères Vosges, rejoignant son cousin Pierre transmettant ainsi l’un comme l’autre des valeurs telles que l’intégrité, la probité, l’importance de sa famille et de la vie elle-même à chaque occasion s’y prêtant… 
Ceci explique aussi peut-être la grande confiance de ses concitoyens qui en firent leur édile trente ans durant !

Ce regard d’enfant m’a fascinée, touchée en plein coeur. Là encore, savoir intellectuellement les choses c’est bien, mais recevoir en cadeau des souvenirs personnels correspondant à ce monsieur dont les 20 ans étaient déjà loin, cela m’a troublée plus que je ne l’aurais cru possible : prendre conscience que la personne que l’on découvre au fil des pages n’est pas figée dans son récit et que la mémoire qu’en garderont les lecteurs sera différente de celle de ses proches… 

Ça à l’air d’une évidence, n’est-ce pas ? Et pourtant, à la réflexion…

Bonne lecture à vous et à bientôt.
Ci-après quelques photographies de dessins de Pierre Mudry, cousin germain de Yvan HOMEL et grand-père de mon amie, puis deux autres présentes parmi d’autres dans le récit montrant par l’image s’il en était besoin la volonté d’hommage autant que l’amour envers les siens de l’auteur qui, rappelons-le, avait 20 ans…

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